Élément stratégique dans l’offre des établissements de bien-être, la zone humide, véritable outil de rentabilité, séduit la clientèle hébergée, mais aussi la clientèle externe qui représente jusqu’à 30% du CA des Spas.
Quels équipements proposer à vos clients sans risques ?
Avec la Covid-19, de nouvelles règles sanitaires ont été nécessaires, mais force est de constater la complexité pour les exploitants de savoir ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire, car à l’heure où nous écrivons, les informations qu’ils reçoivent se complètent mais se contredisent aussi.
En effet, les recommandations sanitaires, envoyées par l’ARS de chaque région pour la réouverture des bassins et des équipements de la zone humide des établissements hôteliers qui, rappelons-le, n’ont jamais été concernés par l’article 8 du décret n°2020-545 du 11 mai 2020 listant les établissements recevant du public qui devaient rester fermés, ajoute à la confusion.
Donc QUID de la zone humide aujourd’hui et demain ?
« Le consommateur qui va revenir dans les Spas ne sera plus le même »
Régine Ferrère Présidente de la CNEP
Régine, expliquez-nous la genèse de cette norme qui vient donc compléter les fiches sanitaires validées le 20 mai dernier par le Ministère du Travail ?
Régine Ferrère : Cette norme a été préparée de concert avec les médecins et chirurgiens esthétiques qui ont également publié la leur, visant les « Services de médecine et chirurgie esthétique non opératoires et les exigences et recommandations pour l’hygiène et la prévention des risques sanitaires en période de déconfinement de Covid-19 ». Ce travail, en comité miroir, nous a permis de travailler ensemble sur la partie transversale de nos professions et ensuite en commission d’experts sur nos coeurs de métier. C’est l’AFNOR qui a piloté le comité d’experts afin de répondre aux exigences de la crise sanitaire et réaliser un guide simple, facile et complet. La CNEP a ainsi réuni autour de la table des experts dans des domaines que nous ne maîtrisions pas, à savoir des experts médicaux spécialisés en infectiologie, microbiologie, toxicologie, hépatologie, chimie organique et bio organique, qualité de l’air, décontamination des surfaces, mais aussi des spécialistes qualité et formation de groupes de cosmétiques et de distribution de matériel esthétique et de consommables, sans oublier les représentants l’UPB, Union des Professionnels de la Beauté et du Bien-être ainsi que l’UNSM (Union Nationale des Spas Managers) et le groupe Deep Nature, société leader en gestion de Spa en France et à l’étranger.
Sujet très sensible pour les établissements du secteur bien-être : la zone humide et son utilisation. Sur ce point, la norme AFNOR SPEC X50-231 est claire. Donc comment et quels équipements de la zone humide peuvent utiliser les exploitants hôteliers au moment de la réouverture de leur Spa et pourquoi ?
R.F. : Les installations à moins de 60°C seront fermées pendant la crise sanitaire : hammam et jacuzzi (collectifs), fontaine à glace, bac d’eau froide. En effet, les installations collectives sont mises à disposition des clients qui les utilisent comme ils le souhaitent, ce qui implique un flux continu de personnes venant de milieux différents donc susceptibles d’apporter autant de charge virale que d’individus concernés. Impossible dans ce cas d’assurer comme il se doit, en cas de crise sanitaire, la sécurité des clients et la désinfection des lieux après chacun de leurs passages. Tous les experts s’accordent pour dire que ce virus ne résiste pas à une température de +65°C, il faut donc réagir avec bon sens. Je peux comprendre les exploitants qui ont investi lourdement dans des équipements qui actuellement ne peuvent fonctionner, mais la pérennité d’une entreprise passe aussi par la qualité des services qu’elle offre et, aujourd’hui plus que jamais, par la sécurité sanitaire qu’elle assure. En deux mois, nous avons changé de monde. Cependant, l’accès reste possible à un couple ou à une famille avec des adolescents vivant sous le même toit, puisque leur charge virale est similaire, ce qui permet donc l’utilisation commune de ces installations sans risques. L’ouverture des hammams individuels est possible pour les Spas qui travaillent uniquement sur privatisation, avec obligation de désinfection entre chaque prestation. Dans ce cas-là, le port de la serviette est obligatoire sur les assises. Concernant l’utilisation des saunas (à infrarouges ou chaud), des grottes de sel, des ice rooms ou snowrooms, des douches sensorielles et des parcours KNEIPP (eau chaude, eau froide), nous préconisons un renforcement des dispositions sanitaires. Ce protocole d’hygiène et de sécurité comprend : la gestion du flux par prise de rendez-vous individuel ; la définition d’un nombre limité de clients par rapport à la capacité d’accueil de chaque espace (4 m² par personne) ; l’ouverture par créneaux horaires de l’espace entier sous surveillance renforcée (ex : maitre-nageur…) ; la désinfection minutieuse planifiée entre chaque créneau horaire : chromes, boutons, sol, rampes d’accès, poignées (temps défini par rapport à la configuration des espaces et par rapport au temps d’action du virucide appliqué – voir notice du produit) ; l’affichage spécifique pour les règles d’utilisation (rappel de la distanciation physique…) ; la mise à disposition de gel hydroalcoolique à 65% d’alcool, serviette obligatoire sur les assises, douche obligatoire avec gel douche avant et après l’utilisation de chaque installation et un planning/indication de la dernière désinfection (ex : tableau avec feutre effaçable).
Parlons à présent des soins pratiqués dans la zone humide tels que les enveloppements, les gommages ou encore le gommage oriental. Quels soins sont possibles et comment les pratiquer en toute sécurité, tant pour les praticien(ne)s que pour les client(e)s ?
R.F. : Avant tout, parlons des exigences générales qui s’appliquent à l’ensemble des prestations que vous venez de citer Isabelle : le port du masque est obligatoire pour le ou la praticien(ne) et le ou la client(e). La tenue en contact avec le ou la client(e) doit être changée après la prestation. L’asepsie de tous les instruments avec un spray à 70% d’alcool doit être réalisé avant chaque prestation et les produits prélevés sur une spatule, préalablement désinfectée, doivent être déposés dans un contenant intermédiaire préalablement désinfecté. Pour les enveloppements, la couverture ou le lit chauffant doit être désinfecté selon l’utilisation et bien entendu le film d’enveloppement est à usage unique. Pour les gommages, le retrait se fait avec des gants à usage unique ou avec des gants coton ou éponge lavés à 60°. Pour ces deux soins, nous recommandons que le ou la client(e) prenne une douche avant et/ou après la prestation. Quant au gommage oriental, s’il est réalisé hors salle vapeur, le soin est autorisé. La table doit être désinfectée avec un spray virucide entre chaque prestation et il est obligatoire de vérifier l’évacuation des eaux pour éviter la stagnation. Le gant de Kessa est à usage unique. Durant la période sanitaire, les massages duo sont interdits, sauf personnes de la même famille, mais sous réserve d’avoir une superficie permettant de préserver la sécurité des praticien(ne)s, à savoir 1,50 mètre entre chaque table et bien sûr 1 mètre de l’autre côté, sans oublier de tenir compte de la largeur de la table, soit environ une largeur minimale de 4,50 à 5 mètres, selon la largeur de la table de soin. Les gommages en hammam collectif sont eux aussi interdits durant la période de crise sanitaire.
Pensez-vous que cette crise sanitaire va inspirer les équipementiers pour développer de nouveaux équipements ou de nouvelles fonctionnalités ?
R.F. : La France est le pays de l’innovation. Je suis confiante dans la capacité de chacun à développer des équipements adaptés à cette nouvelle donne. C’est le consommateur qui va guider nos pas. Comme après toutes les crises de grande ampleur, il change son mode de consommation. Cette crise, assortie du confinement, a fait prendre à chacun la mesure de l’essentiel. Le consommateur qui va revenir dans les Spas ne sera plus le même. Nous l’avons déjà constaté dans les instituts qui ont réouvert le 11 Mai. Il est plus exigeant, très attentif aux gestes barrières et aux normes de sécurité sanitaire. Ce que nous faisions presque en cachette parce que, pour nous, cela ne rentrait pas dans les codes du luxe, devient soudain une exigence. Des équipements, oui, mais parfaitement désinfectés, sans risque. C’est le maître mot. Oui, il faut se réinventer. Le client post-Covid, dans le monde entier, va chercher la vérité dans l’offre et la sécurité de la prestation. Il faudra donc proposer des équipements performants, confortables, réalisés avec des matériaux nobles, sans ostentation, innovants, efficaces, mais surs. La sécurité de nos dispositifs va devenir le vecteur essentiel de notre future communication. Notre discours doit changer. Il faut apporter de la cohérence dans nos offres, de la rentabilité dans chacun de nos espaces, de la rigueur dans leur gestion. L’épure dans l’offre va devenir la norme.
Pour conclure, quelles sont vos recommandations pour les exploitants afin de gérer au mieux la réouverture des équipements de la zone humide (hors bassins) ?
R.F. : Je rappellerai à chacun que le chef d’entreprise est responsable de ses salariés et responsable de ses clients. Nous l’avons 108 SoWMag #15 Eté 2020 (DESIGN LAB) Dossier souligné dans la Norme avec force. Une obligation de prévention du risque de contamination par la Covid-19 pèse sur l’employeur au titre de son obligation de sécurité : obligation d’évaluation du risque professionnel ; obligation d’information des salariés sur l’ensemble des mesures individuelles de prévention à appliquer, notamment les mesures barrières et l’utilisation des moyens de protection ; et obligation de formation des salariés à ces mêmes mesures de prévention. L’entreprise risque d’engager sa responsabilité si elle manque à cette obligation de prévention. La même obligation pèse sur elle si elle manque à ses obligations de prévention des risques sanitaires vis-à-vis de ses clients, et nous ne sommes pas à l’abri de contentieux ! Nous avons l’exemple des instituts. Le premier jour d’ouverture, 7 d’entre eux ont eu droit à une fermeture administrative d’un mois. C’est le plus mauvais des messages que nous pouvions envoyer à un public anxieux et méfiant. Les zones humides collectives, les salles de fitness collectives sont sans aucun doute le talon d’Achille des espaces de bien-être. Le virus circule encore, il tue encore. Nous devrons vivre encore avec lui en nous protégeant et en protégeant nos entreprises. Si vous écoutez les discours de notre Ministre du Travail et des assureurs, si vous vous penchez sur les directives des ARS, bref si vous portez attention à tous ceux qui ont l’habitude de nous dire ce qu’il faut faire, du haut de leurs certitudes, et nous laissent seuls face à nos responsabilités, vous comprendrez sans doute toute l’attention que nous avons pris à élaborer une Norme raisonnable et protectrice que je vous invite à vous approprier.